« Vos clients, qu’attendaient-ils de vous ? », interrogeait hier matin le président Benjamin Joly à l’encontre d’un prévenu peu banal : un homme de 34 ans, qui se présente comme expert en assurance, mais qui est soupçonné d’exercice illégal du métier d’avocat à Amiens, entre octobre 2010 et décembre 2011.

Quand cet homme a déclaré son activité à l’Urssaf en octobre 2007, il l’a fait en tant que juriste négociateur, car l’organisme n’avait pas la classification « expert d’assuré ». Ce n’est que bien plus tard, lors d’une déclaration en ligne, que le prévenu a pu remplir lui-même le champ de son activité.

Seulement, derrière juriste négociateur, se cache une notion de consultation juridique qui a motivé la plainte pour l’Ordre des avocats du bâtonnier Pourchez, en plus d’une plainte d’une cliente du prévenu s’estimant « insatisfaite de sa collaboration » avec lui dans le cadre d’une demande d’indemnisation après un accident de la route.

Car là était bien l’activité du brillant trentenaire, titulaire d’un DEA d’histoire du droit et anthropologie juridique, diplômé en médecine légale, enseignant en droit, et ayant travaillé pour les plus grands cabinets d’avocats parisiens. « Mes clients attendaient d’être correctement indemnisés. Je n’ai jamais dit que j’étais avocat. Je fais de l’évaluation de préjudice corporel, mais s’il y avait une contestation sur le droit à indemnisation, des avocats prenaient le relais », explique-t-il posément, en veillant bien à ne jamais employer le terme de « consultation ».

Ses prestations étaient régies par des mandats d’intervention lui permettant de démarcher les compagnies d’assurances. Sur son activité, le trentenaire a répondu recevoir un appel par semaine, avoir transigé 90 % des affaires, et se rémunérer à hauteur de 11,96 % TTC des sommes d’indemnisation perçues par ses clients. Ses interventions auraient permis d’obtenir – selon lui – entre 30 et 300 % de plus-value sur les montants initiaux.

Le vrai problème, donc, est « l’atteinte au périmètre du droit », réfutée par ses conseils, Stéphane Diboundje et Michaël Haddad. Ils ont pour leur part rappelé que la qualité de leur client lui avait aussi permis de siéger à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), au vu et au su de magistrats, qui eux, n’avaient jamais sourcillé. « Je comprendrais qu’on me reproche l’exercice illégal d’avocat si je faisais du pénal », dira sobrement le mis en cause.

« Chacun à sa place, a asséné Mme Pignon, pour le ministère public. Vous avez fait des diagnostics, évalué des dommages, vous dites remplacer des avocats au cours de consultations. Vous vous êtes autoproclamé expert », a-t-elle résumé en requérant 2 000 € d’amende. L’affaire a été mise en délibéré au mercredi 5 juin.

DELPHINE RICHARD

Source Le Courrier Picard