JUSTICE
Sexe, vols et violences: le cocktail meurtrier d’un jeune couple à Amiens
En 2018, un Amiénois de 45 ans était la troisième personne vulnérable qu’ils ont violentée successivement. Le parquet demande leur renvoi aux assises pour meurtre.Réagir Mis en ligne le 1/06/2020 à 15:04
par Gautier LecardonnelQuand ils ont rencontré la victime, cela faisait un mois que Mathieu de Caron était sorti de prison après que le couple a frappé une personne fragile à coups de chaise pour lui voler 80 euros.
Comment pouvait-il imaginer qu’en se rendant aux rencontres internationales de cerf-volant à Berck (Pas-de-Calais), les 14 et 15 avril 2018, c’est la mort qu’il allait rencontrer ? Pascal (prénom changé), 45 ans, ne se méfie pas quand il rencontre ce jeune couple en gare de Rang-du-Fliers. Ils discutent et sympathisent. Au point que le jeune homme et la jeune femme, à la recherche d’un toit, s’invitent chez Pascal, père d’un enfant et séparé depuis deux ans. Bipolaire, le quadragénaire est sous curatelle. Sa fragilité n’a sûrement pas échappé au jeune couple.
Frappé à coups de pierres et forcé à se masturber
Mathieu Caron et Sarah Rose, 26 et 19 ans, font bonne figure devant Pascal. Pourtant, Mathieu a un passé judiciaire : il est sorti de prison quatre mois plus tôt, condamné pour avoir roué à coups de chaise un homme vulnérable pour lui voler 80 euros. Sarah était aussi de la partie ; elle avait écopé d’une peine de prison avec sursis.
À Pascal, ils ne disent pas non plus qu’ils quittent Berck en laissant derrière eux un homme blessé et terrorisé. C’était quelques heures plus tôt, dans un squat. Le couple attire un homme sous curatelle, l’accuse d’avoir fait des avances à Sarah. La victime est déshabillée, forcée à se masturber et à avaler son sperme. La scène est filmée avec un téléphone. Le malheureux finit par s’enfuir, délesté de son portefeuille.
Cela fait quatre jours qu’ils squattent chez Pascal, rue Narcisse-Lebel, dans le quartier du Faubourg de Hem à Amiens. Ils vivent à ses crochets. « J’avais l’impression qu’il n’était plus chez lui », dit cette voisine. Le couple se plaît à avoir des relations sexuelles devant leur hôte. Ils se provoquent, dans une sorte d’émulation sexuelle. Tout bascule le 19 avril. Sous les yeux de Mathieu, Sarah se serait rapprochée de Pascal, nue, histoire de voir comment son petit ami réagit, dira-t-elle plus tard en substance. La réaction ne se fait pas attendre. Le quadragénaire est victime de sévices et de violences extrêmes, frappé notamment à coups de casseroles. Un ami de la victime assiste à une partie des faits avant de quitter les lieux, ce qui lui vaut des ennuis avec la justice. Les voisins, qui voient du mobilier jeté par une fenêtre, alertent la police municipale qui se déplace mais repart finalement car les nuisances ont cessé.
Le père chronomètre les ébats sexuels de sa fille
Pascal est mort étranglé avec le câble de sa télévision. Sarah lui aurait passé autour du cou, Mathieu l’aurait serré. Le couple fuit avec la petite Peugeot cabriolet de la victime et ses cartes bancaires. Ils se réfugient chez le père de la jeune femme, à Pont-de-Metz. Ils lui racontent le crime mais le père ne les dénonce pas ; il cache même les clés de la voiture volée sous son canapé. Cet homme profitera de la présence de sa fille pour la regarder avoir un rapport sexuel avec son petit ami… tout en chronométrant.
Le corps de Pascal est découvert cinq jours après le drame. La police judiciaire d’Amiens interpelle le couple le lendemain. Après deux ans d’instruction, le parquet vient de requérir leur renvoi devant la cour d’assises de la Somme pour le meurtre de l’Amiénois, et pour violences sur leur victime berckoise. Le père de la jeune femme pourrait n’être poursuivi que pour le recel de la voiture volée, le fait de ne pas avoir dénoncé le couple ne pouvant lui être reproché : « Les parents en ligne directe ne pouvant l’être pour avoir fourni à un auteur ou complice d’un crime un moyen de se soustraire aux recherches et à l’arrestation », explique son avocat Me Stéphane Diboundje
« Leurs sourires lors de la reconstitution m’ont marqué »
Le probable procès sera une épreuve pour les proches de la victime, selon Me Thomas Louette : « Ils ont beaucoup changé de versions et nous n’avons pas encore la vérité. J’ai le sentiment qu’ils ne réalisent pas ce qu’ils ont fait. Leurs sourires échangés lors de la reconstitution des faits m’ont marqué ».
La psychologie des deux suspects et le couple pathologique qu’ils forment seront des éléments importants des débats. Selon Me Dominique André, sa cliente Sarah Rose – enfant placée – était décrite comme « adorable, extrêmement polie » avant sa rencontre avec Mathieu Caron. Me Nathalie Moreau, avocate du suspect, met en avant l’enfance terrible de son client. En détention, le couple s’est échangé des lettres. En octobre dernier, la jeune femme envisageait de se pacser.Poursuivez votre lecture sur ce(s) sujet(s) :Homicide|Police et justice|Pont-de-Metz (Somme)|Amiens (Somme)|Berck (62600, Pas-de-Calais)|cour d’assises de la Somme