L’oncle était dans son droit de tirer pour protéger sa famille à Buigny l’Abbé

Le pourvoi en cassation des parties civiles n’ayant pas abouti, la légitime défense retenue en faveur de l’homme qui a tué son neveu en 2018 est définitive. Une décision rare.Réagir Mis en ligne le 13/06/2020 à 17:46 

par Gautier LecardonnelLe neveu, alcoolisé, fou de rage et menaçant, avait forcé un volet et cassé une vitre pour rentrer chez son oncle en pleine nuit, alors que deux enfants en bas âge se trouvaient dans le logement.Le neveu, alcoolisé, fou de rage et menaçant, avait forcé un volet et cassé une vitre pour rentrer chez son oncle en pleine nuit, alors que deux enfants en bas âge se trouvaient dans le logement.

Plus de 90 % des affaires de légitime défense finissent au tribunal », estime Vanessa Codaccioni, spécialiste de la justice pénale et auteure de l’ouvrage « La légitime défense » publiée en 2018. Il est difficile en France d’échapper à un procès, et donc à une condamnation, quand on a tué quelqu’un, surtout par arme à feu, même quand on a agi en réaction à une agression. L’affaire Vanthournout est en cela exceptionnelle.

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2018, à Buigny l’Abbé, près d’Abbeville, Kévin, 21 ans, est mort, atteint d’une balle qui lui a perforé un poumon. Alors même que le parquet d’Amiens avait requis le renvoi de l’auteur du tir devant la cour d’assises et que le juge d’instruction chargé du dossier avait décidé de suivre ces réquisitions, Mickaël Bogner, 41 ans, ne sera jamais jugé. Son avocat, Me Jérôme Crépin, soutient depuis le début que cet homme, oncle de la victime, avait agi en état de légitime défense. Il a convaincu les juges de la chambre de l’Instruction qui, en janvier, ont infirmé l’ordonnance de renvoi. Les avocats des proches de Kévin Vanthournout, Mes Louette et Diboundje, avaient porté l’affaire devant la cour de Cassation, mais la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner à nouveau le dossier. La bataille judiciaire est désormais terminée. L’oncle, qui aura purgé presque 5 mois de détention provisoire, peut tourner la page.

« Pour lui, c’est forcément un soulagement. Son état d’esprit a toujours été de dire qu’au moment des faits, il ne pouvait pas faire autrement », commente Me Jérôme Crépin. S’il y avait eu un procès aux assises, le sort de l’oncle s’en serait tenu à l’intime conviction des jurés. Au cours de la bataille qui vient de se terminer, ce sont des règles de droit qui ont été appliquées. Ivre, très menaçant et accompagné de deux comparses, Kévin s’est rendu chez son oncle, en pleine nuit, pour en découdre. Mickaël Bogner se trouvait dans son logement, avec sa compagne et ses deux enfants de 2 et 4 ans. Le coup de feu a été tiré à travers le volet roulant, quand la victime cherchait à entrer. Pour qu’il y ait légitime défense, il faut que trois conditions soient réunies : qu’il y ait eu un danger grave et imminent, que la riposte ait été nécessaire, et enfin qu’elle ait été proportionnée à la gravité de l’attaque.

« Assiégé en pleine nuit par trois hommes agressifs »

Le juge d’instruction avait estimé que ces trois conditions n’étaient pas réunies dans la mesure notamment que le père de famille « ne s’est jamais retrouvé directement en contact physique avec son neveu avant de faire usage de son arme », et qu’il « était en mesure de se barricader et de trouver refuge à l’intérieur du domicile en attendant l’intervention des forces de l’ordre ».

Les juges de la chambre de l’instruction n’ont pas eu la même lecture du dossier. Sur l’état de danger, ils soulignent que Kévin était armé d’un tasseau de bois avec une petite équerre métallique tordue à son extrémité, qu’il avait en partie ouvert le volet et cassé des vitres, s’apprêtant à entrer, qu’il avait « une détermination inentamée » même si Mickaël Bogner l’avait déjà menacé de tirer s’il continuait. Les magistrats notent aussi notamment que le tir « n’était pas disproportionné », le père « défendant quatre personnes dont deux petites filles terrorisées », se trouvant « assiégé en pleine nuit par trois hommes agressifs dont l’un porteur d’un objet contondant ».

« Ils ne pouvaient pas s’enfuir », insiste Me Jérôme Crépin, forcément satisfait de l’issue de cette affaire.re lecture sur ce(s) sujet(s) :Police et justice|Buigny-l’Abbé (Somme)