JUSTICE

L’employé de la Ville d’Amiens à la «carrière TGV» soupçonné d’extorsion

Un procès se profile pour un ancien agent de maîtrise de la Ville d’Amiens accusé d’avoir profité de son statut pour se faire remettre de l’argent par des employés municipaux.Réagir Mis en ligne le 2/04/2021 à 11:39 

par Gautier LecardonnelTout le service nettoiement de la Ville a fait l’objet d’un véritable ménage de printemps avec une enquête de police et une enquête administrative pour laquelle 56 personnes ont été interrogées.Tout le service nettoiement de la Ville a fait l’objet d’un véritable ménage de printemps avec une enquête de police et une enquête administrative pour laquelle 56 personnes ont été interrogées. – (Illustration)

Même s’il crie au complot, le procès s’approche à grands pas pour l’Amiénois de 57 ans. À l’issue de l’enquête de police menée sous l’égide d’un juge d’instruction, le parquet d’Amiens estime que les délits sont bien constitués, et il demande son renvoi devant le tribunal correctionnel pour des extorsions commises dans le cadre de ses fonctions au sein de la Ville d’Amiens.

C’est une plainte déposée en février 2018 par un ancien agent d’entretien, un homme fragile car en situation de handicap, qui a lancé l’affaire. Il s’est dit victime de son supérieur hiérarchique à qui il a remis de l’argent, des sommes telles qu’il a dû vider également les comptes de sa compagne. Cet argent, près de 9.000 euros, était remis en contrepartie d’une protection suite à une agression, de réparations de sa voiture qui n’ont jamais été faites, ou encore d’une promesse de titularisation en mairie.

Après l’interpellation, sur son lieu de travail, du suspect en avril 2018, tout le service nettoiement de la Ville a fait l’objet d’un véritable ménage de printemps – une enquête de police et une enquête administrative pour laquelle 56 personnes ont été interrogées – pour faire toute la lumière des agissements de son agent de maîtrise, responsable d’équipe du secteur centre depuis 2002.

D’autres accusations sont intervenues, celle d’un employé, handicapé lui aussi, menacé de se faire virer et contraint de remettre 3.500 euros sur quatre ans, celle d’un agent qui a prêté 500 euros contre l’obtention d’heures supplémentaires, cet autre qui parle de 800 euros, toujours contre des heures supplémentaires.

L’ancien maire a été entendu par la police

Globalement, les témoignages ont mis en exergue un chef qui usait de son autorité, surtout auprès des plus faibles, pour en tirer des avantages. Son levier favori : les promesses d’embauche ou mises au placard, et surtout l’attribution des heures supplémentaires. Certains ont dénoncé du favoritisme quand d’autres n’ont rien vu d’anormal (les mêmes qui ont été les plus « favorisés », notent les enquêteurs). Le moins bien loti a touché 77 euros d’heures supplémentaires entre 2016 et 2018, quand le plus pourvu a gagné 13.620 euros (il s’agit de l’agent de maîtrise…).

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Des employés ont dit que l’Amiénois (qui parallèlement conteste sa révocation en justice) avait le «  bras long  » à la mairie parce qu’il connaissait des personnalités, dont l’ancien édile Gilles Demailly, avec qui il avait un lien familial. La preuve ? Sa «  carrière TGV  », lui qui a obtenu un poste d’agent de maîtrise sans concours ni diplôme quand d’autres poireautent de longues années, explique l’un d’eux. Gilles Demailly a été interrogé par la police : il a dit ne pas se souvenir avoir rencontré le mis en cause, que ce soit dans le cadre privé ou professionnel, qu’il n’avait jamais appuyé sa nomination ni reçu de demande d’embauche ou de licenciement de la part du quinquagénaire. Bref, qu’il était complètement étranger à ces histoires. Son directeur de cabinet, lui, connaissait l’Amiénois pour son appartenance à la section locale du Parti socialiste, mais il indique également d’être jamais intervenu en sa faveur.

Quand nous l’avons rencontré après sa sortie de détention provisoire de 12 jours, le mis en cause se défendait avec vigueur, parlait d’un complot orchestré par un directeur de service de la Ville avec qui il était en conflit. Pour son avocat, Me Stéphane Diboundje, les accusations «  feront l’objet d’un âpre débat  » devant la justice, et «  cela mettra en exergue les méthodes de fonctionnement de son environnement professionnel  »

source courrier picard :https://premium.courrier-picard.fr/id179346/article/2021-04-02/lemploye-de-la-ville-damiens-la-carriere-tgv-soupconne-dextorsion