Amiens : deux gilets jaunes jugés en appel après une manifestation émaillée de violences

Lundi 5 septembre 2022 à 22:39 – Par Pierre-Antoine LefortFrance Bleu PicardieAmiens

Deux gilets jaunes ont été jugés en appel ce lundi à Amiens, pour avoir participé à une manifestation émaillée de dégradations et d’affrontements, en octobre 2019. Ils avaient été interpellés en possession, l’un d’un cutter, l’autre une pierre. La décision est attendue pour le 7 novembre.

Deux hommes interpellés lors du manifestation des gilets jaunes, à Amiens, en octobre 2019, étaient jugés en appel ce lundi.
Deux hommes interpellés lors du manifestation des gilets jaunes, à Amiens, en octobre 2019, étaient jugés en appel ce lundi. © Radio France – Pierre-Antoine Lefort

Près de trois ans après les faits, deux gilets jaunes ont retrouvé la salle d’audience, à Amiens, ce lundi. Tous deux ont été condamnés en première instance à deux et trois mois de prison avec sursis, en février 2020, pour avoir participé à une manifestation émaillée de violences, le 5 octobre 2019. L’un, Romain Ladent, militant associatif connu dans la ville, avait été interpellé avec un cutter, l’autre Titouan, avec une pierre. Tous deux nient avoir voulu s’en servir comme une arme. À lire aussi Amiens : deux militants jugés pour avoir porté un cutter et une pierre à l’acte 47 des gilets jaunes

C’est Titouan qui le premier s’avance. Comme au premier procès, il l’assure, il ne savait pas que le secteur était interdit à la manifestation. Les sommations, il ne les a pas entendues, les insultes à l’encontre d’un policier, qui lui valent d’être également jugé pour outrage, il ne les ai jamais dites. « L’officier de police judiciaire, m’a dit, si j’admet tout, sans avocat, dans 24 heures j’était dehors. » La pierre, c’est un ami à qui il a prêté sa veste qui lui a glissé dans la poche, il ne l’a pas remarqué.

La défense de Titouan remet en cause la version des policiers

L’avocate générale, Fouzia Boukhalfa, balaie ce dernier argument : « la pierre pèse 225 grammes, difficile de croire qu’il n’ait rien senti dans sa poche« . Tout comme l’avocate du policier partie civile, Maître Hélène Bertrandie, elle rappelle le contexte de violences et de dégradations de ce 47ème samedi de gilets jaunes : « Les vitrines de six établissements bancaires explosées, quatre abribus fortement dégradés, deux containers incendiés ». Le parquet souligne « la description précise » donné par l’agent de police : « lunettes de soleil, veste militaire, cheveux roux ». Elle demande au tribunal de confirmer la peine de la première instance, à savoir deux mois de prison avec sursis. 

C’est justement aux témoignages des forces de l’ordre que s’attaque l’avocate de Titouan, Maître Coline Bouillon : la commissaire qui l’a interpellé se trouvait rue des déportés, l’agent qui dit avoir été outragé, à 1,8 kilomètres de là, boulevard de Beauvillé :  « C‘est impossible qu’ils aient assistés aux faits en même temps« , martèle-t-elle. « L’accusation repose sur la parole d’un accusateur, qui n’est pas là aujourd’hui (…) Il n’y a eu aucune investigation à décharge, pas de confrontation du policier, pas d’audition du témoin » à qui Titouan aurait donné sa veste. Elle plaide donc la relaxe pure et simple de son client.

Romain Ladent : débats autour du cutter

Vient au tour de Romain Ladent. Ce militant associatif, bien connu sur Amiens, a été interpellé le cinq octobre 2019, quelques instants après les sommations. Dans son sac, un cutter. « J’ai participé à une manifestation déclarée. Je n’ai pas entendu les sommations », souligne-t-il à la barre. Lors de son interpellation, il l’assure, il a « été nommé par les forces de l’ordre. Ils ont dit, c’est Romain Ladent. Effectivement j’avais un cutter, mais ce n’est pas une arme. » 

C’est sur ce point que la présidente insiste : « vous connaissez les règles, quand on va dans une manifestation, on ne vient pas avec une arme ». L’avocate générale abonde. « C’est un objet qui peut tuer. Des personnes ont été égorgées avec un cutter« . Elle évoque « la panoplie du parfait manifestant« , dans le sac du prévenu : « autocollants de propagande, marqueurs, foulard et cutter. » Le parquet juge la peine de première instance « parfaitement adaptée »

C’est quelqu’un qui dérange

Les conseils de Romain Ladent prennent alors la parole. « C’est exact, ce samedi fut l’un des plus violents qu’Amiens ait connu. Dans l’une des manifestations les plus violentes, vous interpellez la personne qui l’est le moins ? », fait mine de s’interroger Maître Stéphane Diboundje« A ce moment-là, on ne pouvait pas savoir qu’il avait un cutter. » Il met en avant le temps très court entre les sommations et l’interpellation, ne permettant pas de savoir « qu’il ne voulait pas se disperser« . 

Décision le 7 novembre

Sur le cutter, arme par destination pour le parquet, « c’est l’utilisation qui est faite de l’objet qui déterminera si c’est une arme ou non.  Le cutter n’a pas été utilisé, cela ne peut donc pas être une arme.  » Pour l’avocat, Romain Ladent, « c’est quelqu’un qui dérange. » Il est rejoint dans son analyse par l’autre conseil du prévenu, Maître Pascal Bibard : « on a l’impression que la justice est instrumentalisée. » Tous deux demandent également la relaxe. 

La décision de la cour d’appel d’Amiens est attendue le 7 novembre, le jour du 26ème anniversaire de Titouan et plus de trois ans après la manifestation. 

Pierre-Antoine Lefort

Pierre-Antoine LefortFrance Bleu Picardie

SOURCE France Bleu Picardie: https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/amiens-deux-gilets-jaunes-juges-en-appel-apres-une-manifestation-emaillee-de-violences-1662388919: France Bleu Picardie