Au dernier jour du procès en appel de l’Amiénoise Sergine Davril, sa thèse de la légitime défense a été combattue par la partie civile et le parquet.

Étrange affaire Davril, et pas seulement parce que la perspective d’un acquittement pour légitime défense – ce rare cas où un accusé est à la fois reconnu coupable et libéré – dramatise une audience déjà naturellement poignante. En juin 2011, à Amiens, on avait assisté à un procès dans le procès : celui d’une instruction et d’une enquête policière ni faites ni à faire, qui « oublient » par exemple de procéder à une reconstitution, de dresser un état des lieux du crime ou de relever les empreintes sur le tesson de verre dont Sergine Davril accuse Franck Vanhessche de l’avoir menacée, l’obligeant, selon elle, à se défendre d’un couteau.

Hier s’est déroulé le procès… du premier procès. Me Stéphane Diboundje, pour la partie civile, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, se qualifiant lui même de « kamikaze » : « En première instance, le président de la cour d’assises ne découvrait pas Mme Davril. Il l’avait suivie pendant de longues années en tant que juge des enfants, dans le cadre d’une assistance éducative. Si Sergine Davril n’a même pas fait appel de l’ordonnance qui la renvoyait devant les Assises pour meurtre, c’est qu’elle savait qu’elle serait jugée à Amiens. Il faut le dire ! »

À sa suite, sa consœur Messaouda Yahiaoui, relançait une flèche : « Aujourd’hui, la famille est heureuse de la qualité des débats. Au moins, ici, on pose des questions. »

Puisque l’accusation à l’encontre de Samuel Grévin, le président de la cour d’assises de la Somme, est grave (même s’il n’a absolument rien à se reprocher en droit), et puisque ce procès ne ressemble à aucun autre, c’est le représentant du parquet, Jean-Philippe Rivaud, qui se transforme alors en avocat de M. Grévin : « La première instance n’aurait pas été équitable ? Oui, peut-être… Mais il aurait fallu le dire en temps utile, plutôt qu’ici et maintenant, alors que le mis en cause n’est pas capable de se défendre. Je trouve ça déloyal. »

« Je vais t’emmener avec moi dans la mort »

Contre Sergine Davril, M. Rivaud a requis six ans de réclusion criminelle. Il estime que Sergine Davril « n’apporte pas la moindre preuve qu’elle était en danger de mort », dans le petit appartement d’Etouvie, après une journée de libations et, pour la victime, de surconsommation de tranquillisants. « Retenir la légitime défense, ce serait donner un blanc seing aux assassins », lance l’avocat général aux jurés. En face, Me Stéphane Daquo sort ses tripes pendant plus d’une heure pour démontrer que sa cliente n’avait pas d’alternative, face à un homme qui lui promettait : « Je vais t’emmener avec moi dans la mort ». L’accusée a finalement écopé d’une peine de cinq ans de prison, dont quatre avec sursis. Elle ne retournera pas en prison, ayant déjà purgé 13 mois de détention provisoire.

TONY POULAIN

Source Le Courrier Picard >>