Sur fond de laïcité, la mairie d’Amiens veut restreindre les accessoires sur les têtes de ses agents

Amiens

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Jeudi 5 octobre 2023 à 18:24  

La mairie d’Amiens veut restreindre le port d’accessoires sur la tête pour éviter toute ambiguïté sur les signes religieux. Un choix contesté par certains fonctionnaires qui ont fait appel à un avocat.

La mairie d'Amiens
La mairie d’Amiens © Radio France – François Sauvestre

Suite à plusieurs problèmes avec des agents qui auraient affiché des signes ostensibles de religion et contrevenu au respect de la loi de la laïcité et de neutralité dans les services publics, la mairie d’Amiens a décidé de renforcer son règlement. Dans une note de service, à paraître la semaine prochaine et qui complète un document de 2021, la collectivité va préciser les conditions du port d’accessoires sur la tête.ⓘPublicité

« On a encore la liberté vestimentaire ! »

La mesure a beaucoup de mal à passer pour certains agents. « J’ai été contacté par quatre personnes« , explique maître Stéphane Diboundje, avocat au barreau d’Amiens. « Il faut savoir, déjà qu’en droit administratif, l’interdiction générale et absolue est prohibée« , poursuit-il. « Elle est d’autant plus prohibée quand elle ne repose sur aucun fondement juridique puisque là, on ne parle pas d’accessoires religieux qui sont parfaitement interdits en raison du principe de neutralité des agents du service public et du principe de laïcité. Là on parle d’accessoires de beauté, un bandana, par définition ou même un serre-tête n’ont aucun aspect religieux. Donc il n’y a absolument aucune raison de les interdire. On est au 21eme siècle, je pense qu’on a encore la liberté vestimentaire ! »

L’une des agentes qui a sollicité les conseils de Stéphane Diboundje et qui tient à rester anonyme a été confronté à des remarques. « J’ai été interpellée par un de mes supérieurs qui m’a expliqué que, bientôt je ne pourrais plus venir travailler avec mon accessoire de beauté« , raconte t-elle.

« Je le porte par plaisir, ça n’a rien de religieux. »

Et cette fonctionnaire territoriale de poursuivre en décrivant son foulard de mode. « C’est un bout de tissu, assorti à ma tenue du jour, j’en ai de toutes les couleurs. C’est quelque chose qui me met en valeur et que je porte par plaisir. Comme vous pouvez le constater, les cheveux sont apparents sur ma tête, mes oreilles sont bien dégagées, mon cou est bien apparent. Ce n’est pas un signe religieux ! »

Elle a donc refusé d’ôter son foulard de mode et a même décider d’aller plus loin. « La prochaine fois qu’on m’interpelle, me demandant, sans référence à aucune note écrite de retire mon accessoire de beauté, je porterais plainte. Je me défends, je connais un minimum mes droits mais tout le monde n’est pas forcément dans ce cas. »

La mairie ne veut pas faire la police du vêtement

Ce message d’agents de la mairie d’Amiens a eu un écho politique. Assia Nouaour, conseillère municipale d’opposition (Groupe Social-Eco-Citoyen) a rencontré la maire (UDI), Brigitte Fouré et lui a fait part de « son indignation. J’ai été choquée, je n’y ai même pas cru au départ, on est au 21e siècle, c’est un accessoire de beauté alors qu’y a t-il de mal dans tout ça« , interroge l’élue.

Pas question de faire la police du vêtement répond la mairie. Dominique Fiatte, le directeur général des services veut agir, dit-il « avec discernement. Nous demanderons, d’une manière générale à nos agents, quand nous avons un doute, de retirer ce qu’ils estimeront être un accessoire de mode. Il faut fixer une règle claire« , estime t-il.

Mais comment établir une telle règle ? Comment juger ce qui est ou n’est pas un foulard de mode ? « C’est au regard de porter ces éléments là qui va être extrêmement importante« , poursuit Dominique Fiatte. « Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas d’ambiguïté et que les encadrants puissent prendre les mesures nécessaires avec les agents qui seraient éventuellement concernés.« 

« On ne peut pas laisser passer cela« , renchérit Stéphane Diboundje. L’avocat amiénois explique qu’il pourrait y avoir des recours. « Si jamais il y a des sanctions on pourra les contester. On peut aussi envisager dans ce cas là un dépôt de plainte au pénal parce que ça peut relever du harcèlement moral car, si la personne refuse. »

http://source https://www.francebleu.fr/infos/societe/sur-fond-de-laicite-la-mairie-d-amiens-veut-restreindre-les-accessoires-sur-les-tetes-de-ses-agents-1119285