Il n’y a qu’elle qui sourit encore dans cette histoire. Du haut de ses 17 mois, cette petite Montdidérienne n’a pas conscience des déchirements qui se jouent autour d’elle. Sa mère, Audrey Dupont, originaire du Santerre, est tombée amoureuse en 2014 de Hafedh Ben Hassine, un Tunisien installé à Compiègne, à l’époque en demande d’un titre de séjour. « Avec le recul, tout s’est enchaîné très vite  », affirme-t-elle. D’ailleurs, il faudrait écrire Audrey Ben Hassine, mais face à sa demande d’annulation de mariage, elle préfère utiliser son nom de jeune fille.

Après deux mois de relation, Audrey tombe enceinte d’Hafedh. Elle songe à l’avortement. « Il m’a convaincue de ne pas le faire  ». En revanche, le jeune homme lui propose de se marier. Vite. Car «  il craignait qu’un enfant hors mariage ne soit pas accepté par sa famille ». Cinq mois plus tard, ils se passent la bague au doigt. «  Une heure après la célébration du mariage, l’époux est parti avec le prétexte du ramadan. S’il y avait une volonté matrimoniale, il serait resté avec sa femme  », explique l’avocat d’Audrey Dupont, Me Stéphane Diboundje. Le jeune homme aurait-il séduit et épousé Audrey juste pour régulariser sa situation en France ?

En face, l’assistante de Me Alice Cordier qui défend Hafedh Ben Hassine assure : «  Nous avons des attestations d’amis proches que le couple s’échangeait des cadeaux, qu’il s’agissait d’un mariage d’amour, pas d’un mariage gris  ». Hafedh Ben Hassine précise pour sa part : «  Je pourrais demander des titres de séjour en France parce que je suis marié à une Française et père d’un enfant français. Mais je préfère dire que j’ai un travail en CDI en France  ». Pour l’annulation de ce mariage, les deux parties doivent rendre leurs conclusions dans le courant du mois de juin.

Mais le 9 juin, Audrey Dupont est convoquée par le délégué du procureur pour non-représentation d’enfant. Car depuis le 23 février et la décision du juge des affaires familiales, Audrey est censée laisser Hafedh prendre leur fille un week-end sur deux. « Même pas dans un lieu neutre. Et ce n’est pas le pire ! Cette décision de justice a été une catastrophe  ».

La pire crainte de la jeune maman est que leur fille sorte du territoire français, direction la Tunisie. «  S’il l’enlève, je sais très bien que les procédures sont infiniment longues  ». Elle avait demandé au juge des affaires familiales de n’autoriser la sortie de territoire de leur fille qu’avec l’accord des deux parents. Cela a été refusé.

Si Audrey Dupont a fait appel de cette décision, en attendant, elle est censée l’appliquer. Mais elle refuse de confier leur fille à Hafedh. «  Je ne l’ai jamais, jusque-là, empêché de voir son enfant  ». De son côté Hafedh explique «  que cela fait un an qu’elle m’empêche de voir notre fille. Je ne baisserai pas les bras  ». Parole contre parole…

Audrey sait qu’elle risque la prison et une amende pour refus de présenter leur fille à Hafedh. Me  Diboundje note : «  Il y a des plaintes de madame pour menaces de la part de monsieur. Elle ne respecte pas la loi et commet un délit. Mais au-delà du droit, il y a le pragmatisme. Elle protège son enfant, quitte à être condamnée  ».

Le 9 juin, elle sera sûrement sommée de présenter l’enfant au père. Si elle refuse toujours, elle risque, cette fois de passer devant le tribunal correctionnel.

 

( Source : Le Courrier Picard )