Près d’Abbeville, la «mentaliste» finit derrière les barreaux

Une femme de 50 ans se présentant comme « psychanalyste » à Friville-Escarbotin, près d’Abbeville, est accusée d’exercice illégal de la médecine et d’abus de faiblesse au préjudice de deux familles, l’une de la Somme, l’autre de l’Oise.

Par Gautier LecardonnelJournalistePublié:14 Mars 2023 à 18h08Temps de lecture:3 minPartage :

Sur sa page Facebook, elle se présente comme «  psychanalyste mentaliste, auteur (recherche sur le cerveau) avec un diplôme en relooking  »

Son activité professionnelle, «  de soins hors d’un cadre réglementé  », consiste à apporter à ses clients «  des solutions adaptées pour lutter contre l’état anxieux ou dépressif, l’angoisse, les troubles alimentaires et surmonter le deuil, la séparation ou les problèmes conjugaux  ».

Depuis mi-février, Isabelle Gendre, qui n’a aucune formation particulière, est en prison. Elle a été mise en examen pour abus de faiblesse et exercice illégal de la profession de médecin.

En 2017, alors qu’elle habitait Compiègne, avant de partir à Friville-Escarbotin (Somme), cette femme de 50 ans avait mis en ligne sur Youtube des vidéos pour faire la promotion de ses pratiques. Des clients y exposent tout le bien qu’ils pensent d’elle, entre autres : «  Allez la voir si vous avez un problème, n’allez ni voir le médecin, ni le psychologique, ça sert à rien  ».

Deux enfants, frère et sœur visiblement d’une petite dizaine d’années témoignent également : «  Je suis plus sage, j’ai plus de copains, et je suis plus poli  », dit le petit garçon. «  Avant, je faisais des bêtises  », atteste la petite fille.

Une curieuse reddition a eu lieu le 15 février 2023, lorsqu’une femme de 47 ans est venue raconter aux gendarmes avoir violé ses deux enfants lorsqu’ils étaient en bas âge. Sophie (prénom changé) dit-elle vrai ? Trop tôt pour l’affirmer. Mais des éléments laissent à penser que cette femme vit sous l’emprise totale d’une autre, la « mentaliste » à côté de laquelle elle est venue habiter, à Friville-Escarbotin, qui est devenue omniprésente, y compris dans sa vie familiale. Les parents de Sophie avaient déposé plainte en novembre 2022.

Sophie lui a versé près de 200 000 euros

Sophie avait rencontré cette « psychothérapeute » dans le cadre d’une séparation difficile. Selon nos informations, elle nie l’emprise, parle d’Isabelle Gendre comme la seule personne qui lui vient en aide, au quotidien, et bénévolement, elle qui l’aurait diagnostiquée «  50 % schizophrène et 50 % normale  ». Mais entre 2018 et 2023, elle a fait preuve d’une immense générosité envers sa voisine : 50 000 euros en espèces, 130 000 euros en virements et autres, une voiture à 17 000 euros…

Une autre plainte est venue de l’Oise, près de Beauvais. Une maman a dénoncé les « dégâts » provoqués par la « mentaliste » dans son foyer après que son mari, en grande souffrance après le décès d’un proche, a fait appel à ses services en septembre dernier. L’Oisienne, qui refusait de se soumettre, dit avoir subi les foudres d’Isabelle Gendre, la menaçant de «  reprogrammer l’inconscient  » de son mari et de ses enfants pour qu’ils ne l’aiment plus. Reprogrammation ou pas, l’époux, dont elle a rapporté des comportements irrationnels après des « consultations », a appelé les gendarmes pour les alerter qu’elle était dangereuse pour ses enfants. Aujourd’hui, cette femme est privée de ses enfants, qui ne veulent plus la voir au prétexte qu’elle leur aurait fait du mal…

Pour Me Florence Rault, avocate des parents de Sophie, cette affaire est «  la parfaite illustration  » de la dangerosité des médecines parallèles : «  Cela se rapproche totalement de l’emprise sectaire  ». Pour elle, il s’agit «  d’un véritable abus de confiance  ». Me Stéphane Diboundje, avocat de la « mentaliste », ne souhaite pas commenter.

source courrier picard: https://www.courrier-picard.fr/id396306/article/2023-03-14/pres-dabbeville-la-mentaliste-finit-derriere-les-barreaux