10 février 2020

Le meurtre de Jean-Noël reste inexpliqué

Aux marges de la débilité, Loïc Barzic, 22 ans, ne peut expliquer pourquoi   il s’est acharné à coups de marteau sur un agriculteur de 55 ans, en février 2018.  
En ce début d’après-midi, Jean-Bernard regarde les débats de l’Assemblée nationale tandis que Jean-Noël monte un mur de parpaings dans une dépendance. Loïc Barzic, une jeune homme de 20 ans, passe à la ferme. De juin à décembre, il a été le petit ami de Léa, la fille de Corinne, la voisine. Quand le couple s’est séparé, Corinne a gardé Loïc à la maison.
Parti soigner les bêtes, Jean-Bernard entend du bruit et aperçoit Loïc, un marteau de maçon à la main. Il accourt et découvre son cadet inanimé dans son sang, le cerveau réduit en bouillie. Loïc sera interpellé à 17 h 30, fortement alcoolisé, dans le centre du village. Il reconnaîtra assez vite être l’auteur des coups mortels.
Le mode opératoire ne pose pas de question. L’intention homicide ne devrait pas davantage faire débat quand on entend, comme ce lundi devant la cour d’assises, le médecin légiste décrire les conséquences de cinq ou six coups si violents, au thorax et à l’arrière du crâne, qu’ils ont pu faire jaillir de la matière cérébrale.
Pourquoi ? C’est une autre paire de manches… Pendant l’enquête, Barzic a multiplié les versions : la victime l’aurait poussé (elle est décrite comme gentille et serviable) ; Jean-Noël aurait fait des avances à Léa (ce que cette dernière dément catégoriquement) ; Jean-Noël aurait menacé de révéler que Barzic collait des affiches d’extrême-droite ; Barzic (sans emploi) aurait prêté 600 euros à Jean-Noël. La présidente aborde l’histoire de la blouse, que Léa, pensionnaire, avait oubliée quand Jean-Noël, comme toutes les semaines, l’avait conduite à la MFR de Oisemont le lundi. Loïc, décrit comme psychologiquement fragile, en aurait conçu de l’agacement au point d’envoyer ce texto à son ex : « T’inquiète pas, l’autre connard m’a baisé la gueule ». À l’audience de ce lundi, Loïc Barzic, cheveux très courts, lunettes sombres, n’a guère éclairé la cour. Son discours est aussi pauvre que confus, au point qu’on se demande s’il n’en rajoute pas. Le jeune homme est pourtant pénalement responsable.
Il redit que la victime l’aurait poussé à la fois physiquement et « poussé à bout en disant ta copine ci, ta copine ça . Et pis je sais pas qu’est-ce qui m’a pris… » Pas un mot, en revanche, de la carte bleue de Jean-Noël, disparue la veille du drame, qui a servi sur le téléphone de Barzic, à dépenser 400 euros sur des sites de rencontres et des sites pornographiques.
Après le meurtre, Loïc Barzic est allé s’acheter des biscuits (« parce que j’avais faim »). À peine incarcéré, il a écrit au juge pour réclamer une Playstation et une plante grasse (« en souvenir du magasin de mon père »).
Me Demarcq, partie civile, le lui rappelle en lui demandant s’il est « conscient de la gravité des faits ». L’accusé se rebelle : « En quoi ça vous regarde ? »
11 février

Loïc Barzic condamné à 15 ans de réclusion

Le jeune homme de 22 ans a été reconnu coupable du meurtre de Jean-Noël Bloquel, 55 ans, le 13 février 2018.
Pour une fois, la jeunesse de l’accusé l’a servi, tant le tableau dressé par les médecins de l’âme comme par l’enquêtrice de personnalité ont fourni « des billes » à la défense qu’assuraient M es Stéphane Diboundje et Thomas Louette. « Enfance carencée », lors de laquelle Barzic fut « ballotté entre un père manipulateur et une mère égocentrique » , admet aussi l’avocate générale Lucie Charbonnier, qui a requis 20 ans, « afin que la peine fasse sens » et dise « ce que vaut une vie humaine ».
« IL FALLAIT CAPTER LES SIGNAUX »
Me Louette rappelle ces mots d’une sœur de l’accusé : « Une fois, les gendarmes sont allés chercher nos parents pour nous dire de s’occuper de nous ». Une autre témoigne : « C’est quand j’ai rencontré la famille de mon mari que j’ai compris que la mienne n’était pas normale ».
Dès la maternelle, les enseignants conseillent aux parents de Loïc de consulter un psychologue. Déjà, ses difficultés de compréhension et son intolérance à la frustration apparaissent, ainsi que des tendances autodestructrices (il s’arrache les cheveux et les sourcils). « Je ne voyais pas l’utilité », observe encore aujourd’hui la mère. « Il fallait capter les signaux. Ces problèmes-là n’ont jamais été réglés » , commente Me Diboundje.
Le divorce parental, quand il a dix ans, achève de déséquilibrer l’enfant. Jusqu’à ses vingt ans, « Loïc est un boulet que personne ne souhaite avoir à charge », résume Me Louette. Son père, qu’il vénère, sera condamné pour abandon de famille. Sa mère, dont le nouveau compagnon ne supporte pas le garçon, le fera dormir dans un gîte, ou par terre dans son magasin. Elle ne l’a pas vu depuis deux ans et demi et n’envisage pas de lui rendre visite au parloir de la prison, au contraire d’un père qui, ce matin, a au moins donné l’impression de prendre conscience du désastre : « On n’a pas été à la hauteur. Loïc a vraiment souffert ».
« Heureusement que tous les enfants de divorcés n’explosent pas le crâne d’un voisin à coup de marteau », commente Me Guillaume Demarcq, avocat du frère et de la sœur de Jean-Noël Bloquel. Leur frère a été victime d’une crise de colère que l’audience n’aura pas réussi à justifier.
L’utilisation frauduleuse de la carte bancaire de Jean-Noël semble être la raison la plus plausible, mais la défense a beau jeu de souligner que son client n’a pas été renvoyé pour vol.
« Jean-Noël était un homme bon, respectueux, pudique, travailleur », rappelle l’avocat, qui voit en Barzic une « personne pleureuse et menteuse », capable « de lever une massette de 2,5 kg à deux mains et d’abattre un homme comme un chevillard abat une pièce de bétail ».