Opposés au projet de loi Travail, qui met à mal le droit des salariés selon eux, ces deux-là devront travailler 90 heures gratuitement pour une collectivité dans les 18 mois qui viennent. Ce vendredi, la justice a condamné deux jeunes manifestants à ces travaux d’intérêt généraux, reconnus coupable de violences envers la police et de dégradations de bien public.

Manon, étudiante amiénoise de 22 ans, et Jules, lycéen de 18 ans, sont à des années-lumière du profil de casseurs. Devant la juge, ils expliquent qu’en ce 28 avril, après une manifestation, ils ont suivi le mouvement quand l’envahissement par 150 personnes de la salle du conseil municipal d’Amiens a eu lieu. Quatre heures de débats «  dans le calme  », insiste Manon, ont eu lieu. La police intervient. À deux reprises, les manifestants ont l’ordre de quitter les lieux. Une cinquantaine d’entre eux préfère défier les autorités, et rester dans la salle.

Coups de matraque

Leur but ? «  Obtenir une évacuation symbolique  », avec des policiers qui les tirent ou les portent vers la sortie. «  Nous avions très peu d’expérience de confrontation avec les forces de l’ordre. On ne croyait pas se faire matraquer comme ça  », explique l’étudiante, titulaire d’une licence en droit et en sciences politiques. «  Ils ont commencé à donner des coups de matraque. J’ai jeté les objets (deux petites plaques métalliques) pour détourner leur attention, qu’ils arrêtent de frapper les gens  », raconte Jules. «  Les gens se faisaient matraquer. J’ai eu peur. Je n’avais jamais vu une telle violence. J’ai voulu les protéger. Je n’ai pas réfléchi, j’ai pris ce que je trouvais sous la main  .» La jeune femme a jeté deux micros et une bouteille sur les CRS.

Les deux prévenus dénoncent la violence policière. Jules est sorti en sang de la mairie. « J’ai été matraqué aux bras, aux mains, aux jambes et à la tête ». Bilan : deux points de suture au visage et un traumatisme crânien.

Me Stéphane Diboundje, avocat de Manon, a dénoncé l’intervention des CRS. Comme son confrère Guillaume Combes, il estime qu’elle n’était pas utile compte tenu du profil des manifestants présents ce soir-là. «  Les coups de matraque des CRS sont intervenus bien avant que des objets leur soient jetés dessus !  », insiste-t-il. Me Combes, de son côté, s’est étonné que les domiciles des prévenus aient été perquisitionnés et que des livres portant sur le mouvement anarchique aient été photographiés chez son client et versés à la procédure. Pour lui, «  on est dans la dérive de la police politique  ».

Jules affirme qu’il n’appartient à aucun mouvement politique ni aucun syndicat. «  Je suis simplement un citoyen qui défend mes idées  ». Manon, elle, a commencé à militer pour le féminisme avant d’intégrer la jeunesse communiste. Tous deux sont de toutes les manifestations contre le projet de loi Travail. Les deux prévenus sont sortis sous les applaudissements de la soixantaine de personnes venus les soutenir (CGT, FO, Sud, Solidaires, Nuit debout, étudiants, jeunesses communistes). Ils ne font pas appel de la décision.

GAUTIER LECARDONNEL