JUSTICE

Ado lynché pour 10 euros: la tentative de meurtre n’est pas retenue

L’agression a été commise à l’abri des regards, dans ce wagon (rouge), abandonné depuis 1986.

L’agression a été commise à l’abri des regards, dans ce wagon (rouge), abandonné depuis 1986.

Les faits sont d’une incroyable violence et difficilement compréhensibles. Le 19 avril 2018, Ludovic (prénom modifié), 13 ans, a été lynché voire torturé par trois autres adolescents, qu’il connaissait car tous étaient hébergés dans le même foyer amiénois. Les suspects, âgés de 13, 16, et 17 ans, avaient été interpellés le lendemain. Ils avaient avoué les faits. Moins d’un an après, l’enquête est close.

Les trois adolescents échappent à un procès criminel. Comme l’avait requis le parquet, le juge d’instruction chargé de cette affaire a décidé qu’ils seraient jugés devant le tribunal correctionnel pour mineurs, et non devant la cour d’assises. Ils seront jugés pour violences volontaires avec armes et en réunion, entraînant une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours. Ils avaient été initialement mis en examen pour tentative de meurtre et actes de torture et de barbarie.

Ludovic avait été retrouvé le lendemain après-midi de son agression, errant sur les voies de chemin de fer, vêtu uniquement d’un caleçon, un morceau de rideau d’un wagon sur les épaules. Il avait passé la nuit et une partie de la journée à agoniser. L’adolescent est gravement blessé. Son état est tel que le médecin légiste n’a pas pu décrire toutes les lésions sur son corps, tant elles étaient nombreuses.

Dans un premier temps, Ludovic, qui est défendu par Me Anne-Laure Pillon, a cherché à ne pas dénoncer ses agresseurs. Il soutenait que des inconnus l’ont traîné jusqu’à ce wagon, abandonné depuis 1986, avant de le passer à tabac. Puis les langues se sont déliées. Benjamin, Éric et Paul s’en sont pris à lui parce que, selon leur version, Ludovic aurait raconté à l’oncle de l’un d’eux qu’il avait été forcé de donner 10 euros. Pour eux, c’était une « balance », il fallait le punir. Ils ont commencé à l’humilier dans le foyer. Avant de l’emmener dans ce wagon isolé. Les violences ont duré tout l’après-midi pour l’un, trois heures pour un autre, une heure trente pour le dernier. La victime est déshabillée, ses habits sont brûlés. Elle reçoit des coups de poing et de pied sur l’ensemble du corps, on lui claque la tête contre les murs, on le frappe avec un bâton, on lui brûle les cheveux, on l’étrangle. Au final, Ludovic, en sang, n’est plus reconnaissable. « Comme dans un film d’horreur », dira l’un des agresseurs.

« On ne va pas le laisser comme ça, autant l’achever »

Selon l’enquête, les trois ados avaient discuté pour savoir s’il fallait tuer la victime, pour éviter qu’elle ne dénonce les faits. « On ne va pas le laisser comme ça, autant l’achever », aurait dit l’un d’eux. Lors d’auditions, cette intention de tuer avait été reconnue par les suspects, avant que leur version ne change.

Pour le juge d’instruction, cette intention de tuer ne peut pas être retenue : « Ils ont arrêté les violences non sous l’influence d’une circonstance extérieure mais de leur propre initiative ». Il note qu’à leur départ du wagon, « rien ne pouvait leur faire penser que [Ludovic] allait mourir avec certitude ». Cette décision satisfait les avocats de la défense : « En soit, cette affaire est celle de trois gamins qui ont voulu faire passer un sale quart d’heure à un autre. Certes, cela a dérapé, et les violences sont importantes, mais il n’y a pas eu de volonté criminelle », commente Me François-Julien Schuller, l’avocat d’un des suspects, les autres étant assistés de Mes Bonnin, Schmidlin et Diboundje.

Depuis les faits, deux des trois ados sont en centre éducatif fermé, et le troisième est en prison. Tous les trois ont des parcours difficiles : ici un beau-père violent et une mère qui tente de se suicider, là une mère battue et alcoolique, ou encore ici un père biologique inconnu, et une rupture avec le beau-père depuis de très longs mois.

GAUTIER LECARDONNEL

Source :http://www.courrier-picard.fr/173333/article/2019-03-22/ado-lynche-pour-10-euros-longueau-la-tentative-de-meurtre-nest-pas-retenue