Après cinq jours de procès pour l’assassinat d’Arnaud Gontier, 23 ans, en juillet 2012 à Languevoisin (Somme), les accusés n’ont pas tout dit, se chargeant les uns les autres.

Les trois accusés sont restés sans réaction lorsque le président Samuel Grévin, a annoncé leurs peines, ce samedi, peu après minuit : 20 ans de réclusion criminelle pour Hocine Boudjenane, 10 ans de prison pour Alexis Duhamel et Cédric Le Gall.

Les proches d’Arnaud Gontier, qui viennent d’assister à cinq jours de débats devant la cour d’assises de la Somme, resteront frustrés. «  Pourquoi ? Comment ? Qui ? C’est essentiel. Aujourd’hui, il faut qu’ils fassent leur deuil de cette vérité qu‘ils n’auront jamais  », a plaidé Me Pascal Bibard. La raison ? «  Les accusés sont enfermés dans un bal des menteurs pour sauver leur peau  », ajoute Me Stéphane Diboundje, lui aussi avocat des parties civiles.

Le soir du 5 juillet 2012, Arnaud Gontier, 23 ans, était tranquillement dans sa chambre, avec sa petite amie, au domicile familial situé à Languevoisin-Quiquery, dans l’est de la Somme. Il entend du bruit dehors (un pneu est crevé sur une voiture et des coups de pistolets à grenaille sont tirés), il regarde par la fenêtre, et s’écroule. Le jeune homme vient de recevoir une balle 22 long rifle dans la tête.

L’auteur du coup de feu, il l’avoue, c’est Hocine Boudjenane, 25 ans. Il est venu là avec Alexis Duhamel, 28 ans, et Cédric Le Gall, 30 ans. Boudjenane, comme la victime, trempait dans le trafic de stupéfiants. Il voulait régler ses comptes avec deux frères, considérés comme de gros fournisseurs dans ce secteur de la Somme. Le trio, armé, et alcoolisé, les cherche pendant un moment. Et ils finissent devant le domicile d’Arnaud Gontier, sachant que c’est la dernière adresse de la tournée des dealers. Boudjenane a tiré, mais la cible n’était pas la bonne. «  Arnaud est mort à cause d’une querelle avec laquelle il n’avait rien à voir  », admet Me Djamila Berriah, l’avocat de Le Gall. Pour elle, comme pour Me Jean-Marie Camus, le scénario est simple : Boudjenane avait peut-être l’intention de tuer ce soir-là, mais il n’en a pas informé les deux autres. L’avocat général n’est pas loin de les rejoindre sur cette question. Il parle de l’auteur du tir comme un «  manipulateur  », qui «  avait besoin de complices  ». Il s’est entouré de ces «  deux pauvres types  » (dixit Me Berriah), portés sur la bouteille et facilement influençables.

L’assassinat non retenu

Vingt ans de réclusion criminelle ont été requis contre Boudjenane, 10 ans contre Duhamel, et 7 ans contre Le Gall (le verdict est tombé tard dans la soirée de ce vendredi). L’avocat général a insisté : même si, quand il a tiré, Boudjenane s’est trompé de victime, cela n’enlève en rien l’intention de tuer. Et ce, avec préméditation.

Mes Antoine Deguines et Marcel Ceccaldi, avocats de Boudjenane, ont maintenu que leur client, Hocine Boudjenane, n’avait pas l’intention de tuer quiconque ce soir-là, mais «  d’intimider  ». Le premier a parlé d’une «  formidable malchance  », que le coup de feu ait atteint la victime à la tête, sachant, maintient-il, qu’il est impossible de viser dans le noir. Il refuse que toute la responsabilité de ce drame soit attribuée à son client.

Qui a fait quoi exactement ? On ne le saura pas. Me Ceccaldi a néanmoins ramené ce dossier dans son contexte : «  Le centre de l’affaire, ce sont les agissements de ces trafiquants  ». À savoir les deux frères, nullement inquiétés dans cette procédure, dont on sait qu’ils évoluent armés. Boudjenane a voulu lutter, Arnaud en a fait les frais. Ses derniers mots à sa petite amie : «  Passe-moi l’ordinateur.  » Quelques instants plus tard, il était décédé.

Les jurés n’ont pas retenu l’assassinat, estimant qu’il n’y avait pas matière à retenir la volonté de tuer. Hocine Boudjenane a été condamné pour violences avec arme, et les deux autres pour complicité. Juste après le procès, deux des trois accusés avaient déjà fait savoir leur intention de faire appel.

Source Le Courrier Picard