Amiens : la Métropole suspecte le port de signes religieux chez des agents et durcit le ton

La polémique est rouverte sur le port de signes religieux par des agents sur leur lieu de travail. Trois titulaires ont été rappelés à l’ordre en ce début du mois de décembre 2023. Ils sont sous la menace d’une sanction disciplinaire. Pour ces agents, la Métropole confond leur « fichu » avec le turban religieux indien.

Dans une note mise à jour en novembre dernier, la Métropole rappelle à ses agents leurs obligations en matière de neutralité. Cela fait suite à plusieurs signalements remontés ces derniers mois par des parents d’élèves sur le port de signes religieux dans les écoles. Photo d’illustration Manon Cruz
Dans une note mise à jour en novembre dernier, la Métropole rappelle à ses agents leurs obligations en matière de neutralité. Cela fait suite à plusieurs signalements remontés ces derniers mois par des parents d’élèves sur le port de signes religieux dans les écoles. Photo d’illustration Manon Cruz
Des rappels à l’ordre ont été adressés à au moins trois agents femmes suspectées par la Métropole de porter un signe religieux sur leur lieu de travail. Photo d’illustration Fred Haslin
Des rappels à l’ordre ont été adressés à au moins trois agents femmes suspectées par la Métropole de porter un signe religieux sur leur lieu de travail. Photo d’illustration Fred Haslin

Par Térézinha DiasPublié:7 Décembre 2023 à 19h49

On croyait la polémique close… Près de deux mois après la levée du préavis de grève déposé par le syndicat UGICT-CGT pour protester contre une note interdisant aux agents le port de tout couvre-chef, le ton se durcit

. En témoignent ces rappels à l’ordre contre au moins trois agents femmes suspectées par la Métropole de porter un signe religieux sur leur lieu de travail.

Un dernier courrier d’avertissement, avant une possible sanction disciplinaire, a été envoyé à l’une d’elles le 27 novembre dernier. « L’agent public, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel, doit s’abstenir de manifester ses croyances religieuses. À ce titre, il doit s’abstenir de porter un signe ou une tenue marquant ou laissant penser son appartenance à une religion, tels que par exemple le voile dit islamique quel que soit le nom qu’on lui donne (hijab…), la kippa, le turban, le bindi, la croix, l’abaya », précise le courrier, reprochant à l’agent d’avoir, malgré plusieurs rappels de sa hiérarchie, manqué à ses obligations de neutralité. « Votre supérieur vous a demandé de le retirer, ce que vous avez refusé. Depuis, vous persistez à refuser d’appliquer cette consigne en vous présentant à votre poste de travail en portant un turban. Par la présente, je vous notifie formellement un rappel à l’ordre et vous demande sans délai de vous mettre en conformité, sous peine de sanction ».

Un changement de ton que ces agents disent aujourd’hui avoir du mal à comprendre alors qu’elles pensaient, juste avant la levée de la grève et après une rencontre avec la direction générale des services de la Métropole, que « l’affaire » était réglée. « La Métropole avait accepté à l’époque de retirer des phrases de sa note sur la laïcité qui prêtait, selon nous, à confusion, et de ne garder que ce qui concerne les signes religieux. Et aujourd’hui, on nous dit en gros que c’est nous qui avons mal compris les choses et qui avons déformé les propos alors que nous étions six à assister à l’entrevue ce jour-là », assure cet agent qui souhaite garder l’anonymat.

C’est un fichu imprimé et en aucun cas un signe religieux comme s’obstine à le dire la Métropole

Un agent

« Je me battrais jusqu’au bout pour que cesse cette pression de la Métropole sur une partie de la population parce que c’est bien de cela dont il s’agit. J’irai en justice et j’irai jusqu’à interpeller Emmanuel Macron s’il le faut », prévient l’agent, en précisant qu’elle continue, elle, de se rendre sur son lieu de travail avec ce qu’elle estime être un accessoire de beauté. « C’est un fichu imprimé si vous préférez et en aucun cas un signe religieux comme s’obstine à le dire la Métropole qui, selon nous, confond ce que l’on porte avec le turban porté par les sikhs qui est, lui, un signe distinctif d’appartenance religieuse chez les Indiens ».

« Nous contesterons en justice chaque décision disciplinaire »

La bataille pourrait trouver une issue en justice. Me Stéphane Diboundje, leur avocat, a rouvert le dossier et évoque le chiffre d’une quarantaine d’agents concernés. « Elles s’étonnent de ce revirement mais sont déterminées à se battre pour faire reconnaître leurs droits. Nous contesterons en justice toutes les décisions disciplinaires qui pourraient être prises et nous n’excluons pas de porter plainte pour harcèlement moral le cas échéant », prévient-il.

La Métropole : « Deux ou trois cas d’agents qui testent la collectivité »

Pour Dominique Fiatte, directeur général des services d’Amiens Métropole, il n’y a pas de sujet ni de polémique parce que « la collectivité ne fait qu’appliquer strictement la loi et la note » qu’elle a fait circuler en novembre dernier dans les services. Une note qui a été modifiée à la marge seulement après le dépôt d’un préavis de grève : « Il y avait un point qui inquiétait un syndicat en particulier : le fait que nous parlions de liste non exhaustive des signes d’appartenance religieuse. Nous avons retiré cette phrase ainsi que les points de suspension pour citer précisément tous ces signes religieux », indique le directeur général des services pour qui cela ne change en rien le fond du sujet. « Le turban fait partie de cette liste des signes religieux non autorisés et à partir du moment où un agent a refusé de le retirer, son supérieur hiérarchique a eu raison de le lui notifier préalablement par courrier. Ensuite, chaque situation sera étudiée avec discernement et une décision sera prise en fonction des éléments que nous aurons » poursuit Dominique Fiatte. Mais pour lui, seuls deux ou trois cas posent aujourd’hui problème. « La plupart ont accepté de le retirer, seuls deux ou trois agents testent la collectivité pour voir jusqu’où elle ira. Si cela est nécessaire, nous prendrons les mesures qui s’imposent, qu’elles pourront évidemment contester si elles le souhaitent », tranche-t-il.

source courrier picard :https://www.courrier-picard.fr/id473507/article/2023-12-07/amiens-la-metropole-suspecte-le-port-de-signes-religieux-chez-des-agents-et