Profitant du profil sérieux d’un Samarien fraîchement recruté comme associé, il a profité à l’été 2024 d’une application bancaire visant à faciliter le quotidien des entrepreneurs pour mettre la main sur un pactole. L’associé, qui ne s’estime pas responsable de son énorme et curieux découvert bancaire, a déposé plainte.

L’Amiénois voulait diversifier ses activités dans le BTP. L’escroc présumé présentait un passé professionnel qui semblait convaincant.
L’Amiénois voulait diversifier ses activités dans le BTP. L’escroc présumé présentait un passé professionnel qui semblait convaincant.
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Par GAUTIER LECARDONNELPublié:19 Novembre 2024 à 10h27:

Le marché de l’installation de la fibre optique devant se tarir d’ici fin 2025, cet entrepreneur de la Somme de 45 ans savait qu’il était temps pour lui de diversifier ses activités. En début d’année, grâce à une connaissance, une opportunité se présente lorsqu’il est mis en contact avec Mohamed T. Ce dernier, entrepreneur est dans le bâtiment « Il avait des problèmes avec d’anciens associés, et il avait un souci sur un chantier en cours à Beauvais ».

L’homme a besoin rapidement de 50 000 euros, et, pour se sortir de l’impasse, il a besoin d’un nouvel associé. Après plusieurs rencontres, et après s’être renseigné sur le passé professionnel de Mohamed T, qui lui semble sérieux, l’Amiénois de 45 ans accepte le deal. Il lui prête l’argent, s’associe avec lui dans une nouvelle société, Isorav, dont il devient le gérant et il lui ouvre son carnet d’adresses. L’entreprise naît en juin 2024.

On me donne un numéro de téléphone à appeler, ce que je fais. Et ce n’est qu’au bout d’un moment que je me rends compte que je ne suis pas en ligne avec quelqu’un de la banque, mais avec la police !

L’entrepreneur amiénois

La première alerte arrive le 5 août par un appel téléphonique de sa banque : « On me dit qu’il y a un problème, qu’il y a un trou débiteur de 50 000 euros sur le compte. Et ça m’étonne, parce qu’avant cela, lorsque je regardais, je voyais que le solde moyen était de 150 000 à 200 000 euros. J’appelle donc Mohamed T., qui me dit que c’est juste un problème de saisie de RIB, que ça va se régler dans les 48 ou 72 heures. Je rappelle la banque et lui dis de voir directement avec lui. Et je n’ai plus eu de nouvelles ». Le 14 août, alors qu’il est parti en vacances, le Samarien s’aperçoit d’une saisie pénale de 3600 euros sur son compte personnel. Il demande des explications à sa banque : « Personne n’a pu m’expliquer ce qu’il s’était passé. On me donne un numéro de téléphone à appeler, ce que je fais. Et ce n’est qu’au bout d’un moment que je me rends compte que je ne suis pas en ligne avec quelqu’un de la banque, mais avec la police. » La situation est grave : le trou n’est plus de 50 000 euros, mais ce sont deux millions d’euros qui se sont envolés. Et Mohamed T. avec !

L’Amiénois, en tant que gérant, avait la main sur les comptes de la société. Mais dans les quelques semaines d’existence réelle de l’entreprise, c’est Mohamed T. qui a géré. Après l’ouverture du compte, il a demandé à son associé d’activer l’option « effet d’encaissement » auprès de la banque. « Ma conseillère me dit qu’elle ne connaît pas. Je lui dis de voir directement avec Mohamed T. C’est ce qu’elle a fait, et à partir de là, il a eu ses codes d’accès bancaires. »

« Comment cette banque a pu accepter tout cela sans l’aval du gérant de la société ? »

L’entrepreneur dit avoir suivi de son côté les mouvements bancaires durant deux jours, sans voir de problème. Et Mohamed T. lui avait bien remboursé 20 000 des 34 000 euros qu’il lui avait avancés pour le sortir de ses difficultés. Rien ne pouvait donc laisser présager du surgissement de ce trou de deux millions d’euros. Il s’avère que pendant une semaine, courant août, l’associé a effectué pour 6 millions d’euros de mouvements d’argent via cette option « effet d’encaissement ».

Cela s’est concrétisé par 400 lignes d’opérations avec l’utilisation de fausses factures. L’escroc présumé a profité de cette application bancaire, qui permet à des entrepreneurs de bénéficier d’avances de fonds de leur établissement, pour mettre la main sur 1 916 962 euros en quelques jours. Selon Nizar, cet homme qui résidait en région parisienne, s’est fait la malle à l’étranger.

Le Samarien, lui, fait l’objet d’une enquête pour escroquerie en bande organisée, et il a dû s’expliquer en garde à vue début septembre. « J’ai apporté tous les éléments pour prouver ma bonne foi dans cette histoire. Parce que je suis une victime ! ». Il a déposé plainte pour escroquerie et abus de confiance contre X en qualité de gérant de la société Isorav. Le quadragénaire a eu la surprise de constater que ces deux millions d’euros ont été débités… de son compte bancaire professionnel.

Ce découvert lunaire fait bondir son avocat Me Stéphane Diboundje : « Comment cette banque a pu accepter tout cela sans l’aval du gérant de la société ? Elle a manqué de vigilance, et elle a concouru au dommage de mon client. Ces 2 millions d’euros, elle ne peut pas les retirer du compte de cette société qui n’a même pas d’autorisation de découvert ! » Estimant que son client est victime, que la banque procède à un « abus de droit », il lui a adressé le 18 novembre une mise en demeure de rétablir le solde initial de ce compte bancaire.

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source courrier picardhttps://www.courrier-picard.fr/id579489/article/2024-11-19/amiens-un-entrepreneur-escroc-disparait-avec-2-millions-deuros