« J’ai toujours cherché, je n’ai jamais baissé les bras » : 40 ans après le meurtre de sa mère, elle souhaite rouvrir l’enquête sur ce cold case

Écrit parAnas Daif
Publié le15/09/2025 à 18h06
Katy Spicher a perdu sa mère très jeune, retrouvée morte, poignardée une trentaine de fois. Elle accuse la justice de l’avoir « baladée » et demande à ce que le dossier soit rouvert, plus de quarante ans plus tard.
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Le crime sanglant n’a pas quitté l’esprit de Katy Spicher. Le 26 juillet 1983, alors qu’elle est encore enfant, sa mère, Marylise Spicher, est retrouvée morte, tuée chez elle d’une trentaine de coups de couteau rue d’Artois, à Amiens. Quarante ans plus tard, l’affaire n’est toujours pas élucidée. Pourtant, le frère de la victime avoue deux fois le crime, dans un premier temps, avant de se rétracter.
Mais cinq ans plus tard, un juge d’instruction d’Amiens ordonne un non-lieu et met fin aux investigations, car les charges n’étaient pas suffisantes. Une décision jugée anormale pour Katy Spicher et son avocat, Maître Stéphane Diboundje, qui souhaitent une réouverture du dossier.
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« J’ai toujours eu des questions sans réponse«
Depuis qu’elle a 15 ans, Katy Spicher s’est toujours retrouvée face à des questions sans réponse. Malgré tout, elle n’a jamais lâché l’affaire, écrivant à qui elle pouvait. Procureur, garde des sceaux… Elle a même été à la rencontre de l’avocate de ses grands-parents, qui étaient partis civils. « Ils m’ont tous balayé en me disant qu’il y avait prescription, qu’il fallait un fait nouveau, ou bien qu’ils ne retrouvaient pas le dossier, mais j’ai toujours cherché, je n’ai jamais baissé les bras« , explique-t-elle avant d’ajouter : « la prescription n’y était pas au moment où j’ai demandé l’ouverture du dossier« .
Aujourd’hui, elle attend une reprise de l’enquête. Elle veut aussi que la justice « rende des comptes parce qu’elle m’a laissé tomber« . C’est la seule manière, à ses yeux, pour que sa mère « repose en paix et que je puisse tourner une page, parce que j’ai été traumatisée de tout ça« . Katy Spicher rappelle qu’elle a vécu sans ses parents et a été élevée par ses grands-parents, qui lui ont donné « tout l’amour qu’il fallait« , même si « le manque était toujours là« . Sa mère est décédée et elle n’a connu l’identité de son père qu’après la mort de ce dernier. « Il y avait ma sœur, elle n’avait que 6 mois, mais on a été séparées, donc je ne l’ai pas vraiment connue« , poursuit-elle.
Pourquoi reprendre le combat maintenant ? C’est la rencontre avec un journaliste qui lui a redonné espoir, alors qu’elle était à deux doigts de tout abandonner. Ensuite, son avocat, Stéphane Diboundje, a aussi été là. Elle s’est sentie entendue et écoutée. « Peut-être que de là-haut, ma mère m’aide et, au moins, le Seigneur m’écoute, il va m’aider, et j’espère que l’enquête va rouvrir et que le crime ne va pas rester impuni« , poursuit Katy Spicher.
On a vu dans d’autres affaires – je pense à l’affaire Grégory par exemple – où même des années après, on a pu faire des auditions, entendre des gens qui ont pu dire d’autres choses qui ont permis d’aller vers d’autres investigations.Stéphane Diboundje, avocat
« Beaucoup de protagonistes sont encore vivants«
Son avocat a notamment écrit au procureur de la République d’Amiens, au président de la République et au ministre de la Justice « parce que les autorités ont le droit de savoir ce qui se passe dans cette affaire, après, il leur appartiendra de décider ou non de cette réouverture du dossier« .
Il souligne qu’il reste de nombreuses investigations à mener et d’interrogations à résoudre. Un pôle spécialisé dans les « cold cases » (affaire classée non résolue) a été créé au tribunal de Nanterre en 2022, lorsque Éric Dupond-Moretti était encore ministre de la Justice. « Donc je souhaiterais que l’affaire de ma cliente rejoigne ce pôle« , espère Maître Stéphane Diboundje. D’autant que « beaucoup de protagonistes sont encore vivants« , 42 ans après les faits : « on peut les réentendre, voir ce qu’ils vont dire. Peut-être que certains, après un certain nombre d’années, ceux qui détiennent de lourds secrets, peuvent aussi parler« .
De plus, ce n’est pas parce que plusieurs années se sont écoulées que « les personnes qui sont interrogées diront forcément la même chose 30 ou 40 ans plus tôt« , ajoute l’avocat. Il reste encore de nombreux éléments à explorer, selon lui : l’oncle de Katy Spicher a avoué le meurtre deux fois avant de se rétracter, il était également capable d’indiquer aux enquêteurs l’endroit « où ils ont pu retrouver les clés« . L’avocat rappelle que du sperme a été retrouvé « dans le vagin de la victime« , celui-ci pourrait correspondre « à la personne mise en examen » à l’époque, mais les analyses techniques n’ont pas été effectuées.
Face à tous ces constats et au combat de sa cliente, Maître Stéphane Diboundje se pose la question de savoir « s’il n’y a pas eu un dysfonctionnement du service public de la justice« . Car dans ce cas, « on peut engager la responsabilité de l’État pour faute lourde« . Katy Spicher se réserve d’ailleurs la possibilité d’attaquer l’État pour ce motif.
Avec Paul Thiry / FTV