Lors du volet « marseillais » de l’escroquerie du siècle qui vient de se terminer devant le tribunal correctionnel de Paris statuant en 32e chambre, le parquet national financier a eu la main lourde en réclamant des peines allant de 2 ans avec sursis à 12 ans d’emprisonnement fermes outre des peines d’amende comprises entre 150 000 euros et 20 millions d’euros à l’encontre des 36 prévenus sans compter les sursis mises à l’épreuve avec obligation de rembourser le préjudice des victimes soit 385 millions d’euros.
La défense s’est dès lors employée à sortir les plaidoiries des grands soirs. Voici un florilège synthétique et non exhaustif des plaidoiries des avocats de la défense plaidant dans le procès de l’escroquerie du siècle.
Le bâtonnier Erick CAMPANA du barreau de Marseille, qui défendait (en co saisine avec Me KAMINSKI) un trader contre lequel 10 ans fermes et 20 millions d’euros d’amende ont été requis, commence par indiquer qu’il ne plaide « ni pour un terroriste, ni pour un prédateur sexuel, ni pour un grand bandit qui a du sang sur les mains » puis compare les 2 représentants du parquet à « 2 chimistes maladroits dont l’un s’appellerait nitrate et l’autre nitroglycérine et qui lors de leurs réquisitions ont tout fait sauter », en citant Aristote il rappelle que « la stricte justice peut devenir la pire des injustices» enfin, défendant sa ville de Marseille, il regrette que « la connaissance que le parquet avait de la ville de Marseille s’arrête au temps de Borsalino et des chaussures vernis ».
Me David Olivier KAMINSKI du barreau de Paris rappelle qu’il ne s’agit que d’une « affaire d’atteinte aux biens», se demande « où sont passés nos principes généraux du droit ? » puis demande au tribunal de « ne pas tomber dans le piège de l’émotion tendu par le parquet », il ajoute « il n’est pas question au travers de réquisitions excessives de jeter un crépuscule judiciaire sur mon client » et plaide le fait que son client « arrêté en vertu d’un mandat d’arrêt européen n’a pas renoncé au principe de spécialité» et que ce faisant il ne doit être condamné que pour les infractions pour lesquelles le mandat européen a été émis.
Me Stéphane DIBOUNDJE du Barreau d’Amiens, Ancien Secrétaire de la Conférence qui défendait ( en co-saisine avec Me BIBARD) une journaliste, indique qu’il entend « plaider haut et fort, sans détours et sans faux semblant » puis dénonce « les méthodes bien singulières de certains magistrats instructeurs du pôle financier qui, sans doute parce qu’il s’agissait de l’escroquerie du siècle, ont pu considérer que tous les coups étaient permis même les plus vils». Il évoque « une utilisation abusive des réquisitions d’extractions, un recours intempestif à la détention provisoire, une fixation mirobolante et une augmentation démesurée des montants de cautionnement outre une subordination de la remise en liberté de ma cliente à la reddition de son conjoint grégory zaoui ». Pour lui « dans ce type de dossiers il n’y a pas de hiérarchie des larmes» et défiant le parquet indique « les larmes de ma cliente qui, incarcérée à FRESNES, a du prendre des douches avec des rats, valent bien les larmes de l’Etat français qui pleure ses millions ». Il plaide la relaxe « à tout le moins au bénéfice du doute» dans ce dossier où selon lui « il n’y a ni aveux, ni témoins oculaires ou auditifs, ni écoutes téléphoniques accablantes, ni mises en cause de la cliente par les 35 autres co-prévenus, ni élément intentionnel s’agissant des faits de recel et de blanchiment à hauteur de 15 millions de dollars» .
Me Hervé TEMIME du Barreau de Paris qui défendait (en co saisine avec Me MATTEI) un avocat contre lequel ont été requis 5 ans fermes, 500 000 euros d’amende et interdiction définitive d’exercer la profession d’avocat, commence par rappeler que son modèle était Emile polak qui définissait l’avocat comme un « mendiant d’honneur » et considère que « c’est toujours triste de voir un jeune avocat chuter ». Il dénonce tour à tour des « réquisitions excessives et injustes pour ce jeune avocat sans doute imprudent» et le « cumul réel d’infraction opéré dans le réquisitoire » puis évoque « la qualification de raccroc que constitue en l’espèce l’association de malfaiteurs» et « la mort civile qu’impliquerait une telle peine » pour son client avocat.
Le bâtonnier Dominique MATTEI du barreau de Marseille commence par indiquer qu’il s’agit « d’une affaire difficile, complexe et délicate mais qui reste économique » et qu’il « plaide pour un avocat dont la honte se dispute à la douleur » puis considère que « le parquet s’est livré à un talentueux numéro de duettiste répressif » et ce pour « solliciter la mort sociale et professionnelle définitive » de son client. Il enchaine en rappelant, au visa de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation que « le seul constat d’une équipe de malfaiteurs ne peut suffire à ce qu’elle soit qualifiée de bande organisée puisqu’il faut un élément supplémentaire d’organisation structurée entre ses membres qui doit exister depuis un certain temps ».
Me Thierry HERZOG du Barreau de Paris s’estime « ni séduit, ni convaincu par le réquisitoire du parquet » et rappelle que « la mauvaise foi ne se présume pas » il dénonce un « inversement de la charge de la preuve » et tient à rappeler qu’au « stade du jugement il existe une nette différence entre des charges suffisantes et des preuves». Il plaide non sans humour que « les écoutes téléphoniques n’incriminent pas mon client, et dieu sait que je n’aime pas les écoutes téléphoniques ! ». Il indique enfin à l’attention des parties civiles « qu’on ne peut demander la condamnation solidaire de tous les prévenus sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale».
Me Jean –Marc FEDIDA du Barreau de Paris qui défend un compensateur estime que « le parquet ne tire aucun enseignement de la richesse des débats qui se sont tenus sous l’égide de la présidente» il relève une « éclipse de l’accusation alors que c’est à l’audience que s’incarne un dossier judiciaire». Il dénonce « l’absence de démonstration juridique du parquet qui n’a pas daigné répondre aux conclusions en droit déposées par la défense ». Il rappelle que « l’on ne peut poursuivre les mêmes faits sous une double qualification d’association de malfaiteurs et de bande organisée». Il dénonce également « le passage par bloc des différents dossiers carbone » préjudiciable à son client. Il termine sa plaidoirie en rappelant non sans ironie que « puisque mon client aurait blanchi 5,8 % de la fraude je souhaite que mon client soit subsidiairement condamné à 5,8% de la peine requise ».
Me Grégory BENSADOUN du Barreau de Paris fustige le réquisitoire du parquet qui a requis 4 ans fermes, 100 000 euros d’amende, interdiction définitive de gérer et décerné mandat d’arrêt contre son client « vous demandez 4 ans de prison fermes alors que vous n’avez fait aucune démonstration». Il affirme en sollicitant la relaxe que son client « n’apparait pourtant dans aucun des mécanismes du blanchiment dans cette affaire » et constatant que son client est poursuivi pour une période antérieure au commencement de l’escroquerie il plaidera « c’ est comme dire à un homme qu’il est le père de l’enfant alors qu’il n’a même pas encore connu la mère» et termine en indiquant que « le long délai qui sépare l’escroquerie de la remise d’espèce perçue par mon client réduit d’autant plus la connaissance que ce dernier pouvait avoir de l’origine frauduleuse des fonds».
Me Fabrice TROLLIET du Barreau de Marseille rappelle que « selon la cour des comptes rien n’a été mis en oeuvre pour complexifier la réalisation de l’infraction» puis dénonce « l’impéritie la plus totale au sommet de l’Etat ». Il poursuit en plaidant que « si l’Etat français a concouru à son propre préjudice, son droit à indemnisation peut être écarté » puis s‘interroge « quand on vole l’Etat qui vole t’on ? » . Evoquant l’état de santé délicat de sa cliente il plaide que “le corps est le cercueil de l’âme”.
Me Laurence CECHMAN du Barreau de Paris, Ancien Secrétaire de la Conférence rappelle l’article 411 du code de procédure pénale qui l’autorise à « plaider pour un absent sans que cela ne lui soit préjudiciable » puis estime à l’écoute du réquisitoire que « les rapports humains sont gommés au profits des flux financiers » elle indique par ailleurs « on ne peut retenir la culpabilité de quelqu’un juste sur les déclarations d’un co- mis en examen ou co-prévénu».
Me Denis Fayolle du Barreau de Marseille plaide qu’il s’agit « d’un dossier dense, aride et complexe» et constate que son client « occupe la 4e place et s’arrête au pied du podium des réquisitions du parquet». Selon lui « à Marseille tout le monde parle mais les paroles sont verbales» et rappelle que « le parquet national financier a été créé à la suite de l’affaire CAHUZAC».
Me Gilles William GOLNADEL du Barreau de Paris qui défend un trader contre lequel ont été requis 10 ans fermes, 5 millions d’euros d’amende et un mandat d’arrêt constate que « pour le parquet quand ça ne tient pas, ça tient encore ». Il fustige l’attitude du parquet qui « brandit comme bâton de maréchal un enregistrement sauvage pour incriminer mon client » puis demande au tribunal de « respecter l’exigence de la preuve» en rappelant au visa de la cour de cassation « qu’on ne peut pas condamner quelqu’un uniquement sur la base des accusations des co-prévenus ».
Le bâtonnier Fabrice GILETTA du Barreau de Marseille qui défendait un expert comptable sollicite « une rigueur des juges dans l’analyse du dossier » car selon lui « il plaide pour un innocent » et entend « faire part de son insatisfaction quant à ce réquisitoire vu sous le prisme de la suspicion généralisée ». il dénonce « un réquisitoire à 2 voix qui sollicite la mort sociale de mon client» .
Me serge KIERSZENBAUM du barreau de Paris plaide la relaxe et fustige « les procédés déloyaux du magistrat instructeur qui n’a pas répondu à certaines de ses demandes d’actes » et plaide que « le réquisitoire du parquet est comme un tableau impressionniste dans lequel on met les petites couleurs pour arriver à une solution».
Me Philippe OHAYON du Barreau de Paris avocat de Grégory ZAOUI (en co-saisine avec Me BRUELLE) contre lequel ont été requis 7 ans fermes, 1 million d’euros d’amende, interdiction définitive de gérer et un mandat d’arrêt, dans une plaidoirie sans concession dénonce « la république autonome du parquet national financier » et se tournant vers le parquet lance « vous qui avez tant confondu les dossiers vous voulez désormais cumuler les peines ?» il poursuit en s’insurgeant contre « le racket, le chantage et le système de la caution argent qui multiplie par 60 la caution initialement fixée pour la liberté de mon client» il constate « un dévoiement de l’autorité judiciaire puisque la justice est devenue un moyen et le recouvrement de la caution une fin». Il estime que le message du pôle financier est clair « c’est la bourse ou la prison » et visant le parquet indique que « nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
Me Pascal BRUELLE du Barreau de Paris constate que « l’antre marseillaise c’est tous contre ZAOUI » et réclame auprès des juges « une lecture non littéraliste de la loi pour éviter que ne soit retenue la récidive contre mon client» et sollicite à titre subsidiaire « compte tenu du saucissonnage des dossiers une confusion de peine entre la peine de 6 ans prononcée dans le volet crépuscule et celle de de 7 ans requise dans le volet marseillais ».
Me Céline CARRU du Barreau de Marseille avocate de Christiane MELGRANI (en co-saisine avec Me BRUNO et le Bâtonnier SEATELLI) contre laquelle a été requise la plus lourde peine 12 ans fermes, 10 millions d’euros d’amende et interdiction définitive de gérer évoque « ce qui constitue une longue peine au sens du conseil de l’Europe : 12 ans fermes !» pour mieux rappeler au juge « le nécessaire principe d’individualisation de la peine ». Elle poursuit en dressant le portrait de sa cliente « une femme discrète qui préfère lire Einstein plutôt que de traîner dans les casinos ».
Me Pierre BRUNO du Barreau de Marseille entend « rétablir l’image écornée du quartier du PANIER dont est issue ma cliente» puis rappelle « qu’en droit la valeur de ce qu’on vole ne compte pas» puis constate « qu’alors que pour tenir un bar il faut une licence ou pour être avocat il faut un diplôme pour entrer sur le marché des droits à polluer il ne fallait rien» puis rappelle que sa cliente « est une femme qui assume ne fuit pas ses responsabilités et ne se défausse pas sur les autres ».
Me Philippe DEHAPIOT du barreau de Paris “conteste la compétence du tribunal correctionnel de Paris pour des faits commis à l’étranger” puis rappelle que “le recel étant un délit continu, lorsque le délit est continué il faut un réquisitoire supplétif pour la période continuée qui fait défaut en l’espèce”. il poursuit en indiquant que “si on est de bonne foi au cours de la possession on ne peut être condamné pour recel”. il plaide “qu’il s’agit d’une affaire particulière mais que contrairement aux apparences Israël coopère parfaitement”. Il rappelle “qu’en raison de la ketuba la femme israelienne n’a pas à se poser la question des ressources de son mari” et que sa cliente “n’a donc eu aucune suspicion sur l’origine des fonds qui ont permis d’alimenter le train de vie du couple”.
le délibéré de ce qui constitue le plus gros volet de” l’escroquerie du siècle à 1,6 milliard d’euros” sera rendu le 23 mai 2018 à 10 h dans le nouveau palais de justice de Paris.
le prochain volet sera le dossier “B concept “ une escroquerie à hauteur de 70 millions d’euros qui se tiendra du 3 septembre 2018 à partir de 13h30 jusqu’au 4 octobre 2018 devant le tribunal corectionnel de Paris.
https://youtu.be/w5iPnNI1G9A